(Qu’est-ce donc que cette maison, ce témoin, ce lieu ébouriffé mais sage, aussi bien pourrait-on poser ici quelque chose de l’atelier d’été pourquoi pas, réceptacle, billet de blog , pourquoi ici, quelle question toujours semblable, ici on reçoit, on entre en laissant à la porte toute illusion, comme dans un moulin, entre ici Jean Moulin, panthéon de quoi, roses posées sur les tombes tendues par des mains complaisantes, magie des images, des mots, des sens, qu’est-ce donc ? Au même moment, sensiblement, que ce qui va être ici rapporté se déroulait, à la porte d’entrée par l’Asie de ce continent-ci, un drame abominable mais réfléchi, ourdi, organisé : trois hommes préparaient leurs affaires, ils s’en allaient, sur eux pesaient la folie et les détonateurs, les armes et leurs munitions, bientôt quarante et un quarante trois cinq morts et deux cent cinquante blessés dans le hall d’un aéroport, de quelle idée maudite pouvaient-ils donc être animés ? Sur Paris, ce soir-là il faisait si beau, il faisait si doux et des hommes, tout comme nous, qui en avaient décidé, réalisant leur acte ignoble, montaient dans un taxi, complice ou pas, lequel roulerait bientôt vers cette espèce de gare, ultra-protégée nous dit-on, afin de tenter de tuer notre liberté. Sur ce monde-là. Détestables)
La vie continue. Sur le boulevard (c’est celui de la Villette, c’est à Paris 19) on a restauré voilà quelques années (peut-être quinze) un lycée professionnel ( il se nommait Diderot, je crois qu’il en reste quelque chose au fronton – se servir de ce satané robot pour en savoir quelque chose, en garder quelque trace, regarder les images
on ne voit pas très bien, mais c’est comme dans le marbre mais là dans la pierre inscrit « lycée technique municipal Diderot« ) (on a du garder ça pour faire couleur locale quelque chose, je suppose), on dézoome, ça se présente comme ça depuis le boulevard (ENSAPB : école nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville, on est bien installé merci de l’accueil…)
de dessus, la cour en U et derrière le bâtiment du fond, un jardin aux trois arbres (platanes, il m’a semblé, essences d’ici je crois)
on a conservé une cheminée, sans doute chauffage quelque chose qu’on aperçoit plus loin
(en bas du cadre, deux des trois arbres du jardin) laquelle cheminée est encore visible de la rue (Burnouf en l’occurrence : l’indianiste ou le père philologue, enfin gens lettrés dix septième dix huitième siècle pour une rue dans le dix neuvième – traversez le boulevard, vous serez dans le dix, en même temps)
auspices architecturaux, on entre, on monte au premier étage, une salle (open bar, des spectateurs et des performers : on doit à la vérité de dire que l’entièreté du collectif L’aiR Nu – qui ces jours-ci lance un appel à dons chez ulule – était présent au grand complet puisque Mathilde Roux présentait des oeuvres – toujours magnifiques – en une sorte de dialogue avec d’autres d’Anaël Chadli – elles aussi…), puis Yves Boudier, à l’invitation de Cécile Portier (et l’inverse, certes), présentera la soirée titrée « Cartographie & Poésie, espaces de transformation »
ça commencera côté jardin, pour revenir dans cette salle plus tard. On part, on sort, on croise escaliers volumes verres et matériaux
la lecture de Charles Robinson commence, elle est écrite sur des feuilles de papier, on écoute, sur les toits écoutent aussi les oiseaux
presque informelle, lecture au milieu des auditeurs
puis dans le jardin, sous les arbres
cadre idyllique, entendre, écouter
un batteur improvise en écho, attention attentive
lieu ouvert, presque public, on téléphone aussi
lecture continue, drôle rare parfois crue cruelle acérée
on rit, on applaudit, au sol dorment des galets
et deux pièces de monnaie
on écoute, à la lecture, Anaël Chadli
oui, chacun se replace, s’assoit, il lit, une espèce de livre unique, prototype blanc marqué de petites plaquettes autocollantes et rouges (elles ont disparu à l’image) lecture comme d’un journal citations
jardin écoute saxophone
douceur de juin, fin de mois, de saison, écoles et examens (derrière les feuilles, le batteur est toujours là)
et puis on rentrera, trois objets attendront
Cécile Portier fera part, lisant sur son téléphone portable, d’une géographie assez personnelle probablement post troisième guerre, tectonique renversée, plaques chamboulées, mers décentrées
soutenue par des images au défilement programmé par Stéphane Gantelet, lequel continuera , sous les mots de Juliette Mezenc
qu’elle lit sur une tablette qui l’éclaire mais dans l’ombre (on ne fait que l’entrapercevoir)
son acoustique faite d’images animées illustrant, espèce de jeu vidéo dans les roses, les verts, les ombres et les surexpositions, le fameux Brise-Lames…
On applaudit, on s’embrasse, je m’en vais, il est dix heures. Du soir du mardi vingt huit juin deux mille seize.