parfois la fatigue me prend
les bras ballants – le besoin d’arrêter – l’envie aussi de cesser cette bataille inutile et tellement illusoire – contre quoi, quels moulins ? – ensuite je me rétablis – je refuse l’iniquité, je refuse l’injustice (comme dirait Léo : « c’est vraiment con » et de rajouter « les amants » – Léo avait de la classe) – comme disait l’autre jésuite cintré dans son costume bleu « nous sommes en guerre » : d’autres temps – le dégoût, oui – quelque chose d’écœurant – les bras en tombent – et puis non : voici que cette maison se souviendra, elle aura cette mémoire, au moins – c’est vrai aussi que suivre la même idée, que ce soit ici – ou là – est assez opportuniste – c’est égal, l’agent qui fait visiter s’arrêtera devant ces images, et en énoncera le nom, tout comme ici je le fais pour vous – je me disais tout à l’heure « ça ne sert à rien, va plutôt de l’avant » – je me disais « tout est noir et l’avenir fermé » – n’importe
la fatigue, parfois, me prend : toujours le même combat la même bataille
mais non il faut tenir
ce week-end, dans le monde, plusieurs dizaines de milliers de personnes (ça ne veut rien dire : qui les aurait comptées ?) sont sorties dans les rues des villes afin de crier que la mort de cette jeune femme était un scandale – ici une image prise au quotidien de référence qui paraissait vers une heure (à Londres)
Il s’agit de Mahsa Amini vingt-deux ans tuée par des coups assénés par un gardien – en France ce dimanche on a fait reculer les manifestant.es qui protestaient contre ce crime à coups de bombe lacrymogènes – cette jeune femme était Kurde et son tort, dit-on, fut de laisser passer quelques boucles de cheveux hors de son voile – il y a six ans, cette femme de quarante et un an sortait d’une bibliothèque où elle avait tenu une permanence un homme, par trois fois, lui a tiré dessus puis l’a achevée à coups de couteau – en pleine rue, dans un royaume quelconque – sur Terre probablement (elle se nommait Jo Cox, elle était travailliste et militait contre le Brexit) – ces choses ne passent pas – il y a eu en France, ce beau pays, cent vingt-deux féminicides l’année dernière – on ne s’en fout pas – c’est un moment grave – il y a quatre ans, en mars, cette autre femme qui n’avait pas quarante ans
Marielle Franco sera tuée en pleine rue à Rio de Janeiro, par balles (lesquels projectiles appartenaient à la police de la ville) – oui, ce sont des sourires, des images, tu sais pour ne pas oublier – il y en a des milliers on les tue – ça ne fait rien, on ne les oublie pas – elles sont là – une avocate turque, un procès truqué, une condamnation inique en 2019, Ebru Timtik
meurt après deux cent trente huit jours de grève de la faim pour que son procès soit équitablement reconduit, le pouvoir est resté sourd – elle défendait les droits de l’homme dans un pays où ils ne peuvent décidément pas s’exercer – un sourire, une détermination – je n’oublie pas, je garde en mémoire – ici encore, cette jeune femme, clown artiste de rue
Daniela Carrasco, trente six ans, enlevée violentée violée tuée et exposée sur les grilles d’un jardin public – c’est une œuvre de militaires, ça se passe au Chili, en 2019, en octobre, voilà trois ans à peine – révoltant
Sur la place de mai, en Argentine, les mères demandent justice pour leurs enfants, disparus, depuis quarante ans (certaines d’entre elles ont été tuées, notamment par un commando commandé par un militaire tortionnaire – ça ne fait pas rien) – le pouvoir, oui et quel pouvoir…