Ce n’est pas le propre de la maison-témoin d’y trouver, posés sur la table basse, une pile d’ouvrages d’art qu’on ne lira jamais, achetés exprès pour en imposer à notre entourage et surtout les visiteurs de passage, livres précieux, aux volumes conséquents. Devant la cheminée, le livre d’art devient meuble, rivé à la table basse. Des livres qui font table-basse comme on fait tapisserie, pour meubler, impressionner le visiteur, qui ne prend même pas le temps d’ouvrir le pesant ouvrage d’art. L’Age d’or du paysage sous les Song, Paris de Nuit de Brassaï et Paul Morand, Les graffitis obscènes de Picasso, The Rise of David Bowie (1972-1973), de Mick Rock, Les oushebtis de la XVIIe dynastie. Avantage de la table basse : on ne sait jamais si le livre est lu, regardé ou montré. En général, on feuillette seulement les premières pages pour se donner une contenance, comme on visite la maison pour se faire une idée.
En visite dans la maison-témoin, une de ces maisons closes, tout nous parait invariablement uniforme, comme sur une image en papier glacé, un catalogue de vente par correspondance. Est-ce que cela existe encore aujourd’hui avec Internet ? Souvenirs dépassés, tout ce qu’on n’aura jamais, l’inaccessible et ses accessits. Linge de maison, mobilier décoration, équipement, vêtements (femme, enfant, homme) et bien sûr dans la lingerie, l’image de ces femmes à moitié nues posant pour des culottes ou des soutiens-gorges. Souvenir d’un ami qui découpait ces images et qui, en les collant à l’envers sur un carnet, obtenait l’image d’un couple s’embrassant, une série de baisers.