08/05/2024
Corrections de Blanche à 8:39 le 08/05/2024
Le beL Esclandre…
Il était un peu plus de 14 heures ce mercredi 1er mai au salon de T, Blanche et moi venions de servir avec succès à peu près 25 clients, quand un homme ouvrit la porte du salon de T.
Un peu fatiguée par ce premier service « de saison », entendez par là premier coup de feu, entendre par là premier service où jongler avec les commandes est nécessaire, je me retourne vers l’homme et le salue :
« -Bonjour monsieur, c’est pour… ?
-Prendre un T…entendez par ces trois petits points que la suite va déraper.
-Combien êtes-vous Monsieur ?
Oui, parce que je viens de servir plusieurs tables de tailles différentes pendant deux heures, donc je me renseigne sur la taille du groupe avant que de pouvoir lui répondre…
-Nous sommes 70, il y a un bus là-bas !!!, entendez par ces trois points d’exclamation que la Scène a commencé, le Mépris est là, bien en place, et qu’il n’attend que moi pour lui répondre.
-Ah…à ce moment-là monsieur, ce ne sera pas chez nous, mais à la Guinguette.
Rires un peu étouffés des clients encore présents et comblant l’intérieur de l’établissement. L’un d’entre eux, un habitué aux cheveux blancs que j’aime bien, se risque même à souligner « elle était bonne celle du bus… » et moi de lui répondre « non, pas là », mais je n’ai certainement pas le temps de gloser là non plus. Blanche comprend, et me demande d’aller m’occuper des gens sur la deuxième terrasse, elle va s’occuper du monsieur. Cela vaut mieux. Certes, certes. Je commence à avoir faim.
Je passe donc de l’autre côté et ne prend plus en charge ce client. Au fur et à mesure de mes allers/retours, j’entend Blanche prendre soin de lui et de son besoin de reconnaissance. Je n’ai pas le temps de m’y arrêter plus.
Las, Blanche est la seule à cuisiner. Il y a bien un moment où il faudra que je le « serve », mais très honnêtement je l’avais presqu’oublié quand Blanche me demanda :
« Tu peux lui mettre l’eau chaude ? J’ai préparé sa tasse…il a pris une tarte aussi, là. ». Je m’exécute, comme durant les deux heures précédentes. Je prends la théière, la remplit de l’eau chauffée à la bouilloire à 80 degrés pour une infusion qualitative, l’assiette à dessert avec la rose bleue, trouvée il y a deux ans à Emmaüs, les couverts, la serviette, et en passant près du vaisselier, la tasse de thé préparée avec la petite tasse à l’intérieur pour la boule à thé.
Je dépose le tout sur la table verte à l’extérieur, là où le monsieur s’est installé, sans rien dire, je dois encore filer de l’autre côté pour m’occuper des autres clients.
En revenant, le monsieur m’interpelle. Comment exactement, de là tout de suite sur mon clavier j’avoue que les images sont floues. Toujours est-il que Mépris était là, juste entre nous.
« Mademoiselle, je ne peux pas mettre la boule à thé dans la théière… »
Précision importante : je ne suis pas de l’équipe Thé, je suis de l’équipe Café. J’ai appris depuis 5 ans à répéter ce que j’ai entendu sur la petite cérémonie de « L’Heure du Thé » que nous pratiquons ici. A savoir que le service posé devant lui est censé lui servir à pouvoir se resservir plusieurs fois de l’eau chaude, quitte à nous en redemander pour respecter la petite cérémonie. Grave erreur.
« Mais vous n’y connaissez rien !!! Au contraire, justement !!! Pour L’Heure du Thé, je suis censé pouvoir mettre la boule à thé dans la Théière !!! c’est cela le rituel !!!
A chaque point d’exclamation j’ai joué la partition qu’il avait bien voulu me laisser, celle de la serveuse idiote-bête et inculturable : « Pas ici, monsieur. ». Je le lui ai répété presque une dizaine de fois je pense, avant de couper court, rentrer et claquer la porte juste à ses oreilles.
Un autre client, qui avait été là pendant les deux heures précédentes, me montre la porte des toilettes en face de moi et me dit d’aller me soulager…gentiment. Ce que je fis. Quelques secondes, las je n’en avais pas plus, il y avait toute la vaisselle à faire, et toujours les autres clients à s’occuper.
En sortant des toilettes, le gentil monsieur me demande l’addition. Je m’exécute et encaisse le tribut. Je suis donc entre la cuisine et la salle quand Monsieur entre pour tenter de m’expliquer encore une fois Comment, Qui, Pourquoi, et tout le reste si j’ai au moins une connexion neuronale de disponible pour intégrer tout ce Savoir Incroyable qu’il veut bien daigner me Transmettre.
Mais. Mon corps, et surtout mes yeux, lui répond que rien ne passera. Il finit par le comprendre. Par l’accepter à sa manière :
« Mais c’est normal que vous ne sachiez pas faire le thé, vous êtes française et donc vous êtes fasciste ! »
Blanche : « offre-lui ses consommations et qu’il se barre… »
Le Monsieur : « ah ! voilà ! quand même ! »
Et Blanche ajoute: « Et ce n’est pas la peine de revenir, Monsieur! »
Il est tout furibond, mon corps, sans me demander mon avis, suit celui du Monsieur dans la salle jusqu’à la porte. Et au moment où il a voulu claquer la porte, se met entre lui et la porte, si bien que la porte n’a claqué que sur mon dos sans faire le moindre bruit. Ultime offense.
« Ce qu’il y a l’intérieur de vous, mademoiselle, n’est pas beau! ».
J’aimerais vous dire que je l’ai laissé partir, seul. Non. Je n’ai pas atteint ce niveau. Je l’ai un peu poussé par l’air qu’il y avait entre nos corps, et surtout en laissant le mien avancer sur la terrasse, pour être sûre qu’il finisse par descendre les marches du salon de T et qu’il ne soit plus « dans notre espace ». Une fois fait, je n’ai pu retenir une phrase mal fagotée : « ce qu’il y a à l’intérieur de vous est écoeurant »
Quelle est la morale ?
Une autre cliente, qui avait assisté à la scène de loin et à qui j’expliquais le pourquoi du comment du qui, fit une grimace au moment où je lui explique. Je comprends alors que le Monsieur avait raison. Il se trouve que je lui ai donné exactement la même théière, je le lui signale, et devant moi elle arrive à insérer la boule de thé dans la théière.
Fin de la scène.