La maison est toujours fermée. Les occupants sont invisibles. Ils sont enchaînés à leur ordinateur, tapent tapent tapent frénétiquement sur le clavier, recherchent des choses dont ils n’ont pas besoin, s’indignent, se consolent comme ils peuvent avec des vidéos de chats qui jouent à cache-cache. Ils sont couchés avec la couette remontée au-dessus de la tête et la consigne que personne ne leur adresse la parole. Ils sont dans la cuisine en train de préparer des recettes compliquées, le livre de cuisine est ouvert sur la table avec un presse-papiers en métal argenté en forme de coquillage pour le maintenir ouvert à la bonne page, le livre de cuisine n’est pas le bon, le bon a disparu à la suite d’un dégât des eaux et ne s’est jamais retrouvé pour cause d’épuisement.
La maison soupire, elle en a assez de ses occupants maussades et toujours présents, pendus au téléphone et qui se disputent à propos de Nathalie Sarraute. Les portes claquent mais personne n’entre ni ne sort, Baudelaire regarde par la fenêtre et tente de faire entrer les nuages en loucedé dans le cellier qui n’en peut mais. Les arbres ont perdu leurs feuilles et mis la tête sous l’aile pour attendre le printemps, le retour de Dante Alighieri, la Vita Nova !