J’entends leurs voix, un chuchotement qui oublie peu à peu de l’être.
Ils s’attardent dans la chambre d’à côté.
Leur laisser le temps.
De toute façon je sais, je crois savoir, depuis leur arrivée que c’est une visite inutile pour la boite, que c’est pour eux une façon de mettre en sommeil provisoirement leur tension, d’éloigner la querelle qui rode, refoulée.. et je n’ai pas envie de supporter de servir d’ancre à leur calme précaire… suis fatiguée.
Un coup d’oeil et l’évidence, au moins le soupçon, que ça ne va pas pour eux, qu’on risque le point sensible.
Je pose le tabouret près du lit, ça fera une table de nuit.
Je repousse le petit bureau contre le mur, près de la fenêtre, comme une console.
J’attrape le pantin accroché au mur, je l’envoie au fond du placard..
Il manque quelque chose, je sors dans le couloir, ils parlent toujours, comme s’ils m’avaient oubliée… je glisse les quelques pas jusqu’au bureau, j’attrape une chaise, je reviens, posant silencieusement mes pieds avec une prudence de chat, j’installe la chaise en biais dans le vide de la pièce… le châle russe qui est dans le placard, jeté en vrac, un vrac qui montre bien les fleurs, pour qu’une idée de vase s’installe en même temps qu’un semblant de vie..
Je me plante devant la fenêtre, je regarde le gazon rare, le petit arbre qui ne vivra pas, je les attends.
Magnifique, bouleversant.
Touchant, merci Brigitte
Le point sensible, oui.