Le Métamicien, V1.2.0

Chapitre Un point bleu pâle

17/01/2025

Passer de “il reste 10 ans de crédits à encaisser et j’ai 48 ans…ce qui fait que j’en aurais 58 quand. Et j’ai déjà mal partout… » à « c’est quoi ce portrait de famille-là ? » en une heure. Fait.

Facile.

Qu’est ce que je fous là ? A quoi bon ?

Ah si…m’en souviens vite fait. J’avais…un-e espèce de rêve, comme un tardigrade, il s’ensommeille, puis se revivifie par moment. Il prend les formes les plus adaptés au moments de ses réveils.

Par exemple, quand j’ai compris que j’allais aller au bout de cette reprise d’études, aller jusqu’à la soutenance de ce mémoire que j’ai tant peiné à ne pas écrire pendant deux ans, puis que j’ai craché en quelques semaines juste avant de, je me suis vue debout sur la table, enceintes à fonds avec je ne sais plus quelle musique « transgressive » en boucle, tour à tour idiote et provocatrice, bref, je voulais que personne ne puisse s’échapper pendant les quelques vingt minutes que devait durer cette prise de pouvoir.

Je voulais…tout casser, tout déchirer. Gentiment, gentiment. Mais quand même, parce que sans ça, rin. Tout ça n’aurait servi à rin.

Je n’en ai rin fait. J’ai passé un oral po mal dans un bureau de fac avec deux profs en face de moi, plus de livres devant moi que je n’en ai jamais lu, je les avais amené comme autant d’armes à envoyer à la tête de tout détracteur.

Je me souviens d’un livre en particulier que j’avais amené, et je ne savais pas pourquoi exactement. Burroughs avait une fascination pour Denton. Jusqu’à dire de lui, en interview je crois : « À la question « Quel est l’écrivain qui vous a le plus influencé ? », je réponds sans hésitation : Denton Welch… S’il y a un écrivain injustement ignoré, c’est bien lui. ». Le livre s’appelle non pas Walking Dead mais The Place of Dead Roads. Je ne l’ai toujours pas lu. Quand mon espiègle dir de recherches me posa la question de quelques influences qu’eut Denton au tout début de l’oral, je pointais du doigt le livre non-lu, en précisant « I haven’t even read it, what I want to speak about is The Journals, nothing else. » Final point avec la note la plus basse pouvant être produite par mes cordes vocales à ce moment-là. Il se remit au fonds de son siège, content comme l’enfant espiègle voyant sa créature passer à côté d’un énorme trou recouvert d’à peine quelques branches, bref le piège d’un enfant espiègle. C’est à ce moment-là pourtant, que je me suis assise dans mon personnage, celui qui allait me faire réussir l’oral. Il m’avait fallu ce trou pour que.

Un peu miteux, un peu « réel ». Mais. C’était le premier oral que je réussissais depuis longtemps. Même mon dir de recherches a été étonné. Je lui ai répondu « je ne sais pas ce qui m’a pris, ça me surprend moi-même, je ne sais pas comment j’ai fait… » et puis on a vite changé de sujet, les liens internets prévalant dans ma biblio, etc. et moi d’arguer « oui, mais sans eux, je n’aurai jamais eu accès à ces livres-là, je n’y aurais même pas pensé, je ne me serai jamais permise de penser y avoir accès… ».

Ils plussoyèrent.

J’ai écouté, rapidement et sans y faire très attention, une interview du dir de l’AFP qui s’est mis en partenariat avec le Geek français du moment pour produire un Chat qui inclurait le contenu des dernières dépêches AFP.

J’avais fait quelques recherches à titre académiques et personnellement curiositaire sur l’origine de la presse, notamment en France. J’y avais passé à peine quelques heures, jusqu’à arriver à cette idée qu’il faut bien qu’il y ait un intérêt qui sponsorise sous quelque forme que ce soit pour qu’une « info » soit publiée, quelle que soit la forme, la période ou le contenu. Et donc j’avais rangé tout ceci dans la catégorie « bruit ». Pas inutile, au contraire. Blanc ou rose, il aura son utilité au bon moment.

Comme on prépare un bouillon pour mouiller son jus et obtenir une sauce.

Comme Tout. Comme Rin. Comme :

Métamicien, Projet 1.2.0 :

Ce serait à la fois une diffusion sur le web via webcam sur le site et une ouverture des portes de l’Endroit. Si que compétence développée en ce sens, ou plus certainement aide trouvée sous forme plus ou moins humaine, archivages des vidéos jour par jour. Tous les matins, de 5h à 8h. Il y aurait tout juste une phrase de salutations au début qui viendrait sans visage, la caméra serait tourné côté Loire.

La première partie serait consacrée au monde qui nous entoure. Le micro serait simplement tourné sur « on » et capterait tout ce qu’un micro peut capter. Les bruits viendrait dans un premier temps des ouvertures des portes de l’Endroit, de la mise en route d’une machine à vapeur dont on imaginerait un liquide plus moins noir et plus ou moins fruité en sortir. Puis quelques voix au loin venus commander un liquide, plus ou moins noir, plus ou moins fruité. On y entendrait probablement quelques machineries s’activer produisant des sons et autres cris d’une artpentie repentante, se coupant, se brûlant, bref, travaillant. Des pays connus s’y présenterait, des expériences édites, des livres inépatants encore inédits en français, ou toute autre langue lu  entre deux mises en route de quelques trucs et engins. Des films qui n’ont pas été montrés à Cannes, ou ailleurs et qui sont formidablement sans image, juste le son accompagnant la vue sur Loire. Des portraits de personnes hors du commun qui n’intéressent pas les journalistes se feraient au fur et à mesure des gens entrant dans l’Endroit, peut être prévoir deux micros. Bref, on y parlerait de toutes les parties émergées d’un monde.

 

La deuxième partie, la deuxième heure, serait consacrée aux récits de vies. Les pas sans parleraient pour raconter un souvenir de la veille, une histoire qui les a marqués, une expérience  mi-forte, comme la moutarde, un événement anodin ancien ou récent. Ils la confieraient au non-animateur pourvoyeur de liquide plus ou moins noir, plus ou moins fruité, comme au non-animateur pourvoyeur de liquide plus ou moins noir à qui ils peuvent toujours parler de ça, ou d’autre chose, à cette heure-là, on n’est pas bégueules. Bref, cette heure serait consacrée à la vie de tout un chacun, la vie de tous les jours, la vie non-secrète, la vie peu émotionnelle, sous ses facettes les plus simples.

 

La troisième heure serait consacrée à l’imaginaire. Et là encore, pas n’importe qui pourrait y contribuer. Le non-animateur ou la non-animatrice, le ou les pas sans, mais pas les auditeurs. Ils partageraient à tour de rôle à l’antenne une anecdote de village déjà recensé mille et une fois, comme la fois où la femme du colonel… qu’ils aiment à répéter pour faire sens, jusqu’au jour où. Poseraient invariablement les mêmes questions sur la qualité calorifique dudit liquide plus ou moins noir, plus ou moins fruité, jusqu’au jour où. Ils feraient invariablement bougé les mêmes objets en les raclant au sol faisant un peu saigner les oreilles des auditeurs, jusqu’au jour où.

 

 

 

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