De temps en temps il est nécessaire de rénover la maison témoin, de repeindre les murs, changer le papier peint et l’évier de la cuisine dont l’éclat s’est terni. C’est un passage obligé pour que le visiteur soient satisfait et choisisse d’investir dans une construction qui lui ressemble.
Les objets sont alors effacés. Ceux qui servaient à la décoration ne touchaient que la couche superficielle de nos désirs, ils ne portaient en eux aucune intention d’être portés, caressés, déplacés, envisagés avec tendresse. Ils doivent disparaître sans marquer d’au revoir, aussi fugaces et élégants qu’ils sont venus, copies de pensées affectueuses, de souvenirs, et les tableaux de liège étalent des photos de visages que l’on ne connaitra pas.
Sur le frigo de la cuisine qui offre aussi de l’eau et des glaçons à volonté, les post-it ne verront pas leur couleur passer sous la lumière, et les messages qu’ils portent, à ne pas oublier, n’entreront dans aucune mémoire.
On pourrait penser qu’ils vivent ailleurs, dans un monde parallèle, leurs injonctions ou leur mots doux. Mais c’est une fiction étrange. On se retourne et c’est nous qui passons de l’autre côté du mur, à la fois effacés et présents dans ce qu’on imagine qu’on pourrait dire ou faire, dans ce qui nous plairait de croire, de regarder. Un coup d’éponge et les peintres viennent modifier la couleur du salon pour, semble-t-il, accentuer cette sérénité que l’on cherche, une couleur d’absence (grise ? taupe ? bleue ?), et c’est comme un sommeil que l’on reprend après s’être tourné dans son lit.
Parfois, quelqu’un laisse un objet – c’est un enfant qui oublie un jouet, une femme stressée qui a posé ses clés sans les reprendre, un papier tombé d’une poche, un ticket de caisse ou un lettre qu’il aurait dû poster – et cela agit comme une lacération dans cet espace trop calme, c’est le surgissement d’un temps brutal qui fait désordre. Le similaire est une petite dictature paisible.
une petite dictature paisible mais oppressante
d’où les petits accrocs
mais bien entendu c’est tout un calcul pour trouver l’équilibre
et pour la maison témoin les accrocs Doivent être artificiels
Bien raison, ô promotrice, de venir rénover