Matria

 

 

 

on doit en produire dans le monde plusieurs milliers tous les ans, c’est vrai qu’ils ne sont pas tous non plus tellement bien – la plupart est merdique je dirais – mais ça en laisse encore quelques centaines à voir – un par jour peut-être ? – les études étaient faites de trois ou quatre par jour, pas tous les jours, mais très souvent – au moins un – l’entrée par la sortie au Balzac ou ailleurs (en école de cinéma, on peut encore prétendre aux exos mais pas à la fac) – toujours est-il qu’on en rate et celui-là est passé au travers : le voilà.
C’est une histoire peut-être banale de nos jours : une histoire de prolos ce qui n’est pas si fréquent cependant. Balotté.es, éreinté.es, étrillé.es. Mais vivants. Encore et toujours. Ici c’est une femme. Elle

c’est Ramona (Maria Vazquez – rôle en or, interprétation splendide) n’a que son corps : le travail en usine de conditionnement de poissons; puis aussi sur un bateau de pêche (plus infiormel)

puis encore ailleurs à la maison – la troisième journée

(oui, on dirait Jeanne Dielmann, oui) – une fille d’un autre lit comme on dit, presque adulte, à qui elle veut payer des études; un homme à qui elle se refuse – en vrai c’en est trop, elle n’en peut plus

vraiment : elle fume (trop), elle boit (un peu trop aussi) – et puis les choses étant ce qu’elles sont, voilà qu’elle envoie paître son patron d’usine qui veut baisser les tarifs horaires (les choses sont ce qu’elles sont et les prolos n’ont qu’à affirmer leur loyauté : sinon, c’est la porte et elle est ouverte : si le salaire ne permet pas de vivre, nous ne sommes plus salariés mais esclaves, comme on sait). On pense (oui) au Daniel Blake de Ken Loach (2016) : Ramona cherche du travail, sonne ici, va voir pour le chômage, visite l’agence de placement, retourne ailleurs cherche encore – la vie étant ce qu’elle est, Ramona a une amie – elles se retrouvent, boivent et envoient paître des hommes qui aimeraient bien aller plus loin, rient ensemble

se disputent – puis

défaillent, pleurent – la pluie – le désespoir

et puis cherchant quand même, arrivant chez un homme, veuf vaguement timide

bougon – mais elle, forte et puissante même dans son empathie spontanée (son amitié avec le chien du veuf, puis son aide lorsqu’il veut changer de forfait téléphonique) – puis son travail, qu’elle fait avec constance – puis une espèce d’intimité qui se créée

un tournant certainement – sa fille fait aussi quelquefois des siennes

ce n’est pas qu’elle n’ait plus besoin de sa mère mais elle veut vivre sa vie, et Ramona comprend – particulièrement formidable dans ce film quelques fois des plans qui durent (ici, une merveille : elle s’assoit, un banc, un jardin public, et elle fatiguée sans doute, attendant que son patron revienne pour le reconduire chez lui

assise elle attend – très lent travelling avant 

puis attend encore, ferme les yeux – le temps – et la camera s’approche, lentement, d’elle – lentement…

Et puis et puis… le film continue et la vie reprend – reprend – et reprend encore…

 

Matria, un film espagnol (la Galice et l’océan) réalisé par Alvaro Gago (un premier long métrage (si on peut se permettre) : très prometteur)

 

 

Une réflexion sur « Matria »

  1. belle
    et normal que ça rappelle parfois Jeanne et Daniel et qu’elle boive, fume un peu trop, jouissif un instant qu’elle envoie paître son patron… les vies ordinaires comme on dit trop vite, les vies qui sont intellectuellement et sentimentalement… et… pas différentes de celles de ceux qui les pensent ainsi mais ont moins le temps de s’y attarder et le raconter parce qu’il y a les trois journées et que faute de moyens tout est un peu plus compliqué

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